Napoléon et la chasse (I) : une histoire de légitimité politique
D’après Le Grand Veneur de Napoléon Ier à Charles X, Charles-Eloi Vial, 2016.
Rien ne conduisait a priori Napoléon à investir le pavillon de La Muette, vestige de l’ordre monarchique englouti avec la Révolution. L’empereur suit pourtant son instinct politique en recréant en 1804, parmi d’autres services administratifs, l’office de grand veneur. Conscient du potentiel historique de la chasse en tant que symbole de légitimité, Napoléon ne néglige rien pour asseoir son pouvoir.
D’après Carle Vernet. Chasse de Napoléon en forêt de Fontainebleau en présence de Marie-Louise. Huile sur toile. 1812. Senlis, Musée de la Vénerie. « Napoléon, descendu de cheval, sert au fusil le cerf hallali sur pied, cerné par la meute ».
La chasse, ce plaisir aristocratique
« Je sais ce qui se faisait dans de telles circonstances à la cour de Versailles, dont je veux suivre l’usage » écrit Napoléon en 1805. La chasse fait partie de ces usages aristocratiques dont le prestige rejaillit sur ceux qui le pratiquent. En se livrant à ce passe-temps très codifié, les rois faisaient preuve d’habileté et de force physique, imposant leur légitimité auprès de leur entourage. Napoléon décide donc de capitaliser sur les symboles : il se mettra à chasser pour trouver grâce non seulement aux yeux de l’élite française mais aussi des monarques européens, auprès desquels il doit effacer son image de parvenu. En août 1808, le Journal de l’Empire signale par exemple une chasse à tir avec le prince Guillaume de Prusse, le comte Tolstoy, et les maréchaux Masséna, Lefèbvre et Lannes. En décembre de l’année d’après, le Courrier de l’Europe indique que l’Empereur a quitté le palais des Tuileries accompagné des rois de Naples, de Westphalie, de Saxe et de Wurtemberg, pour le plaisir d’une chasse à courre.
Quand administration rimait avec efficacité
L’administration des plaisirs et des usages de la cour est organisée de façon systématique, avec l’appui des structures ad hoc. Depuis le 17 juillet 1804, la « garde rapprochée » de Napoléon est impliquée dans leur bon fonctionnement : le Général Duroc, gouverneur du palais, est aussi grand maréchal ; Talleyrand, ministre des relations extérieures, a le titre de grand chambellan ; le ministre de la guerre, Berthier, grand veneur ; le général Caulaincourt, inspecteur général des Écuries, grand écuyer ; l’oncle maternel de l’empereur, le cardinal Fesch, grand aumônier et M. de Ségur grand maître des cérémonies. Ces charges sont de véritables postes à responsabilités, impliquant un personnel et un budget à gérer. L’administration du grand veneur n’échappe pas à la règle : organisée comme un ministère, divisée en deux services (courre et tir), elle est supervisée par les secrétaires Froidure et Bernard. Leur tâche consiste notamment à rentabiliser l’exploitation des forêts et réintroduire le gibier qui alimentera les loisirs impériaux.
Un plomb dans l’œil du maréchal Masséna !
Pourtant, force est de rappeler que Napoléon était un piètre chasseur à ses débuts. Comme le raconte Émile Marco de Saint-Hilaire dans ses Mémoires d’un page de de la cour impériale (1804 – 1815), « l’empereur n’était ni heureux ni adroit à la chasse ».
Un jour où Berthier et Masséna marchaient non loin de lui, alors qu’une compagnie de perdrix venait de s’envoler, l’empereur eut l’honneur du premier coup, mais blessa malencontreusement son fidèle Masséna d’un plomb dans l’œil ! « Berthier ! s’écria Napoléon, vous venez de blesser Masséna ! ». Berthier ne put que s’incliner devant tant de mauvaise foi et endossa la responsabilité de l’accident. De son côté, Masséna fut nommé à la tête de l’armée du Portugal, ce qui le rasséréna un peu. Cet accident empêcha toutefois le pauvre maréchal de prendre part aux opérations de l’année 1808, mais non de s’illustrer lors de la bataille d’Essling, où il tira l’armée française d’une position dangereuse.
Heureusement pour son entourage, Napoléon finit par maîtriser l’art de la chasse et commença à investir la forêt de Saint-Germain-en-Laye à partir de 1809. Il y trouva La Muette, ancien pavillon de chasse de Louis XV doté d’un prestige royal, qui ne pouvait que séduire l’empereur des français…
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