L'Histoire du Pavillon Royal

Des origines sous François Ier à la restauration commencée en 2019 : découvrez l’Histoire du Pavillon Royal de la Muette et ses relations avec le pouvoir au fil des siècles.

LES ORIGINES

Un relais de chasse pour François Ier

Le Pavillon Royal de La Muette, tel que nous le connaissons actuellement, a été édifié à un endroit bien connu, puisqu’il prend la place d’un château à usage de relais de chasse construit pour François Ier, par le grand architecte Pierre 1er Chambiges, dont il nous reste quelques représentations sous forme de gravures par l’architecte Androuet du Cerceau.

Galerie : Faces antérieure et postérieure du bâtiment
(côté Saint-Germain-en-Laye)

Déjà à l’époque, il s’agissait d’un relais édifié pour les besoins de la chasse et situé à quelques kilomètres du château royal de Saint-Germain-en-Laye, centre de la vie politique sous l’Ancien Régime, avant la construction de Versailles.

Vue du Château neuf de Saint-Germain-en-Laye par M. Langlois
Paris XVIIe siècle

Le château tombe en ruine sous Louis XIV

Tombé en désuétude sous Louis XIV qui, avec le gigantesque chantier de Versailles, avait d’autres priorités que de se préoccuper du patrimoine autour de Saint-Germain-en-Laye, le château n’est plus qu’une ruine à la fin du XVIIe siècle, comme le montre la gravure ci-contre, datée de 1665.

Les seuls vestiges de cette époque, sont :

  • les souterrains et couloirs encore existants dans le sous-sol du Pavillon
  • le puits situé près de l’entrée du Pavillon

CONSTRUCTION PAR ANGE-JACQUES GABRIEL
À LA DEMANDE DE LOUIS XV

Portrait de Louis XV par Van Loo (1767)

Un pavillon pas comme les autres

Dès 1767, Louis XV demande à Ange-Jacques Gabriel, Premier Architecte du Roi, de lui construire un nouveau pavillon de chasse au Nord de la forêt royale de Saint Germain en Laye, suite à l’extension de son domaine de chasse.
La Muette est un des plus imposants pavillons de chasse de l’Ancien Régime. On y chasse de décembre à février et comme la nuit tombe tôt, le Pavillon doit offrir des chambres pour que le roi puisse éventuellement y passer la nuit.

En effet, le château de Saint-Germain-en-Laye, tout proche, est presque désaffecté à cette époque car la cour a déjà migré à Versailles depuis 80 ans.

La chasse est bien plus qu’un passe-temps pour les rois de France qui exerçaient à travers cette activité un pouvoir de représentation vis à vis de leurs sujets. Néanmoins peu d’activité eurent autant la faveur de Louis XV et de son petit-fils Louis XVI.

La chasse sous l’Ancien Régime

Associée à la puissance et au pouvoir, la chasse est une activité exclusivement réservée à une minorité aristocratique sous l’Ancien Régime et le braconnage reste très sévèrement réprimé.

Les questions de chasse prendront d’ailleurs une place prépondérante dans les débuts de la Révolution française et la démocratisation de cette activité sera une demande répétée qui fera l’objet de nombreuses requêtes dans les cahiers de doléances de 1789.

Cette activité était également un prétexte pour le roi d’échapper à l’étiquette rigide et étouffante de Versailles, ainsi qu’une opportunité pour les courtisans d’aborder le souverain plus librement, afin de lui présenter leurs requêtes.

Les chasses royales sous Louis XV sont très organisées et le roi a porté celles-ci au sommet de leur éclat.

Pouvant mobiliser jusqu’à 150 personnes à chaque sortie (sonneurs, piqueurs, maîtres-chiens, …) , on estime que l’art de la chasse occupe un tiers du personnel de la maison royale au XVIIIe siècle.

Ainsi, la fonction de Grand Veneur, c’est à dire « Grand officier de la Maison du Roi responsable des Chasses Royales », est une des charges les plus recherchées et sera attribuée héréditairement aux anciennes familles de France (Guise, Rohan, Penthièvre, La Rochefoucauld…).

Habitué des chasses dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye, comme le montre le tableau ci-dessus, Louis XV agrandit la forêt domaniale par l’acquisition de la plaine d’Achères en 1751, et souhaite donc logiquement y faire bâtir un relais de chasse.

“Le roi Louis XV en forêt de Saint-Germain” par Jean-Baptiste Oudry

LOUIS XVI ET LA MUETTE

Louis XVI, grand chasseur, comme son grand-père Louis XV, viendra également régulièrement à La Muette, comme l’attestent les nombreuses mentions de La Muette dans son Journal.

Plus précisément, dans son Journal des Chasses, Louis XVI explique qu’il débute son cycle de chasse au nouvel an à Saint-Germain-en-Laye, « lorsqu’à la fin de décembre les mauvais temps ne permettent plus de chasser dans les environs de Versailles »… En effet, « le terrain est de sable (…) ce qui fait qu’on peut y chasser au commencement et à la fin des gelées et par d’autres temps qui ne permettraient pas de chasser ailleurs ».

C’est d’ailleurs dans la forêt de Saint-Germain en Laye, au cours d’une chasse en février 1787, que le jeune Chateaubriand mentionne sa rencontre avec Louis XVI et sa découverte émerveillée du Pavillon de La Muette, qu’il décrira ainsi dans les Mémoires d’outre-tombe :

« Je chevauchais dans une longue percée à travers des parties de bois désertes ; un pavillon s’élevait au bout : voilà que je me mis à songer à ces palais répandus dans les forêts de la couronne, en souvenir de l’origine des rois chevelus et de leurs mystérieux plaisirs ».

Par ailleurs, le Pavillon sert de source d’inspiration à de nombreux artistes, chroniqueurs de leur époque, comme on peut le voir sur l’aquarelle ci-dessous.

Aquarelle de Louis-Nicolas Van Blarenberghe (1716-1794)
conservée au Louvre

Portrait de Louis XVI par Joseph-Siffred Duplessis (1776)

Puis….

La Révolution française interrompit toute activité de chasse au Pavillon, qui échappa par bonheur à la tourmente destructrice révolutionnaire…

NAPOLÉON 1er À LA MUETTE

Napoléon 1er dans on cabinet de travail par Jacques-Louis David (1812)

La chasse au service des intérêts diplomatique

Très soucieux de s’insérer dans l’ordre monarchique européen, Napoléon comprend rapidement que la chasse est plus qu’un passe-temps aristocratique, mais une véritable activité qu’il peut mettre au service de ses visées diplomatiques.

Bien que piètre chasseur à ses débuts (il tira un plomb dans l’œil de Masséna lors d’une partie de chasse !), il saisit l’intérêt de renouer avec les habitudes des Bourbons afin d’appuyer sa représentation de souverain et ses entreprises politiques. Dès 1804, la proclamation de l’empire provoque un retour des usages de l’Ancien Régime et Napoléon recrée l’administration des chasses en confiant la charge de Grand Veneur à Berthier.

À partir de 1809, Napoléon semble pratiquer la chasse avec aisance et même un réel plaisir et à l’époque de son mariage avec Marie-Louise, petite-nièce de Marie-Antoinette, il est établi qu’il est désormais un bon chasseur selon les critères de l’ancien régime.

Napoléon vient chasser à La Muette depuis le Consulat et s’implique personnellement dans l’entretien du Pavillon.

Il demandera ainsi par écrit que soient changées 38 dalles “et pas une de plus” du sol de la salle du “débotté du Roi”, qui est la première salle d’entrée du Pavillon, où l’on retirait les bottes de Louis XV.

Deux lettres de Napoléon prouvent également l’attention particulière qu’il portait à la Muette, l’une datée de 1809 à Vienne lors de la campagne victorieuse d’Autriche et la seconde écrite en 1812 devant Moscou en flamme.

Une chambre pour l’Empereur !

Après sa séparation avec Joséphine, à qui il laisse la Malmaison, Napoléon souhaitera même disposer d’une chambre au 1er étage de La Muette.

Il demande donc à Daru, son secrétaire particulier, de s’occuper de l’aménagement de ses appartements et du déménagement du gardien qui vivait alors au premier étage. Il est amusant de noter que le maître de l’Europe dut parlementer avec son gardien pour qu’il libère les lieux et même lui construire la vaste maison forestière attenante, toujours existante, pour qu’il y consente !

On aperçoit encore aujourd’hui la petite cheminée très simple qui chauffait la chambre de l’Empereur, et l’alcôve où se trouvait son lit de camp.

On aperçoit encore aujourd’hui la petite cheminée très simple qui chauffait la chambre de l’Empereur, et l’alcôve où se trouvait son lit de camp.

La chambre de Marie-Louise, séparée par un couloir, avait un modeste sol de tomettes et des papiers peints au mur.

L’Empereur organisera à La Muette de nombreuses chasses à visée diplomatique en compagnie des maréchaux Lannes, Berthier et Masséna.

Louis XVIII, puis Charles X poursuivront la tradition des grandes chasses royales à La Muette, mais c’est sous le Second Empire que le Pavillon retrouvera pleinement son éclat.

La chambre de Napoléon au 1er étage et sa modeste cheminée

NAPOLÉON III ET LA REINE VICTORIA
À LA MUETTE

Le Pavillon de la Muette comme lieu de rencontre des souverains et personnalités de l’époque

La cour de Napoléon III renoue avec la grandeur passée des chasses royales de la Restauration, après leur abandon partiel sous Louis-Philippe.

Les chasses du second empire offrent une occasion d’honorer la visite de souverains et d’entretenir des rapports avec des personnalités du monde économique et politique.

Le journal l’Illustration se fait écho de cette vie mondaine à La Muette.

L’Empereur convia même la reine Victoria à La Muette, et lui fait les honneurs d’une chasse à courre…

Chasseurs au Pavillon de la Muette
L’Illustration, 2 septembre 1848

L’Empereur montre un vif intérêt pour la vénerie et l’impératrice Eugénie, montant en amazone, suit une partie des chasses.
Ces chasses sont des occasions pour l’Empereur de venir régulièrement à La Muette, et ses visites font l’objet de rapports circonstanciés dans la gazette locale « L’industriel de Saint-Germain-en-Laye ».

L’empereur Napoléon III par Jean Hippolyte Flandrin

L’Entente cordiale avec les Anglais…

En 1855, l’empereur scelle un accord historique avec l’Angleterre, c’est “l’entente cordiale”.

La reine Victoria vient en personne célébrer cet accord ; ce fut la première visite officielle d’un souverain anglais depuis Henri VIII en 1520.

L’empereur invitera à cette occasion la Reine à une journée de campagne et une chasse à courre au Pavillon de la Muette.

La reine Victoria sous le charme de Napoléon III lors d’une visite à Paris en 1855

Très touchée par cette journée au Pavillon le 25 août 1855, la reine Victoria rapportera en Angleterre des croquis de La Muette, pris sur le vif, qui se trouvent actuellement dans les collections du palais de Buckingham.

Cette journée mémorable fera également l’objet d’une aquarelle réalisée par Bellangé (ci-dessous), montrant la reine assister à la curée sur les marches de La Muette.

Découvrez les croquis de la Reine sur le blog du Pavillon de la Muette ! 

Aquarelle par Hipollyte Bellangé représentant la visite de la reine Victoria à La Muette en 1855

LE XXe SIÈCLE
ET LA SECONDE GUERRE MONDIALE

De la résidence de week-end à l’abandon

Au cours du XXe siècle, la vie à La Muette se banalise. Le Pavillon sert de résidence de weekend à quelques présidents de la IIIe République.
La superbe architecture de Gabriel sert cependant de modèle pour le Pavillon de Chasse de l’exposition universelle de Vienne en 1911.

Puis…

Le Pavillon sombre peu à peu dans l’oubli, sauf des habitants des villes voisines, qui se plaisent à envoyer des cartes postales du monument à leurs proches.

Reconstitution du Pavillon de La Muette pour l’exposition universelle de Vienne de 1911

Cartes postales du Pavilon de la Muette, début XXe siècle 

Un rescapé des bombardements : l’occupation et le canon

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le Pavillon est occupé par l’armée allemande et échappe de peu aux bombardements alliés visant à détruire les lignes ferroviaires situées à proximité, qui alimentaient la Normandie et le Mur de l’Atlantique.

Un vestige de cette époque est encore visible dans le jardin, avec le support en ciment d’un canon Flack 88 mm, qui équipait la DCA allemande.

Abandonné et privé de toutes fonctions à partir de 1970, le Pavillon Royal de La Muette est attribué à l’Office National des Forêts (ONF) en 1984 qui n’aura malheureusement pas les moyens de l’entretenir, en dépit de son histoire prestigieuse et de son inscription au titre des Monuments Historiques intervenu dès 1921.

L’ONF se résoudra finalement à le vendre en juillet 2014 à un particulier passionné d’histoire, qui démarrera un premier travail de réhabilitation du bâtiment.

2020 : LA RENOUVEAU DU PAVILLON ROYAL
DE LA MUETTE EST ENGAGÉ

Sauver un chef d’œuvre en péril

Depuis l’été 2019, le destin du Pavillon Royal de La Muette est entre les mains de Benoît d’Halluin et Emmanuel Basse, deux mécènes passionnés d’architecture et d’histoire.

Leur premier défi consiste à sauver ce chef d’œuvre en péril des outrages du temps, afin que ne disparaisse pas ce témoignage émouvant de la grande Histoire de France.


Emmanuel Basse

Benoît d’Halluin

Ces mécènes ont démarré sans tarder un programme de rénovation ambitieux, sous l’égide du Cabinet Perrot & Richard, Architecte des Monuments Historiques.

Les premiers travaux ont déjà conduit à la rénovation complète de la maison forestière annexe, avant d’entreprendre la rénovation du Pavillon Royal lui-même, qui s’étalera sur plusieurs années.

Une fois le sauvetage du Pavillon Royal de La Muette assuré, Benoît d’Halluin et Emmanuel Basse ambitionnent de redonner un rayonnement culturel à celui-ci, conforme à la tradition d’accueil et de rencontre de ce lieux prestigieux et chargé d’histoire.

Retrouver le prestige d’autrefois

Le Petit Trianon de la forêt de Saint-Germain sera ainsi ouvert à nouveau à l’intérêt légitime du public et des nombreux randonneurs en forêt de Saint-Germain.

Enthousiasmés par le projet et l’engagement de Benoît et Emmanuel au chevet de ce pavillon royal qui représente une part de l’Histoire de France, nous avons décidé de les soutenir dans cette mission extraordinaire. Nous avons à notre tour entraîné avec nous une équipe de spécialistes de la restauration des Monuments Historiques.
Florent Richard

Architecte du partimoine, Cabinet Perrot & Richard

La restauration de la maison forêstière : Avant/Après

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